La proposition conditionnelle |
Nous appellerons (proposition) conditionnelle toute proposition de la forme
si alors ,
étant entendu que P et Q désignent des propositions soit atomiques, soit moléculaires.
Exemples
[1] Si le nombre n est divisible par 6, alors il est pair.
[2] S’il pleut dimanche, le match n’aura pas lieu.
[3] « Il les condamne dans Jansénius, si elles y sont » (Pascal).
[4] S’il est vraiment courageux, alors si le fantôme apparaît, il s’en moquera.
[5] Si j’avais su, je ne serais pas venu !
[6] S’il réussit ses examens, je mange mon chapeau.
Les exemples [2] et [3] fournissent des variations linguistiques de « si … alors ». Mais il convient toujours de distinguer deux propositions :
– celle qui suit le mot « si », qui constitue l’antécédent de la conditionnelle,
– l’autre, qui en est le conséquent.
Au lieu d’écrire une proposition conditionnelle sous la forme : « si proposition antécédente, alors proposition conséquente », nous introduirons le signe « ⊃ ». Ainsi, en posant :
p =df il pleut dimanche
q =df le match n’aura pas lieu,
on aura pour l’exemple [2] : ⊃ .
Remarque
Certains auteurs écrivent ou , là où nous écrivons . Peu importe d’ailleurs, ces signes sont tous de foncteurs propositionnels. Ils désignent une opération, celle qui, appliquée à deux propositions, fournit une troisième proposition, une conditionnelle. |
Le quatrième exemple pose un problème. Si nous ne prêtons pas trop d’attention à la ponctuation, nous sommes enclins à l’écrire :
,
les lettres , et ayant une signification évidente. Sous cette forme cependant, la proposition est ambiguë. Il est en effet possible de l’analyser de deux façons :
(a) où désigne
(b) où désigne .
Ces deux analyses correspondent aux arbres suivants :
(a) | (b) |
Pour lever de telles ambiguïtés, nous userons de parenthèses, sans d’ailleurs prendre ici la peine d’en fixer précisément le maniement (voir le Fascicule 3). Nous interpréterons l’exemple [4] de la façon suivante :
,
ce qui correspond donc à la forme (a).
Enfin, les exemples [5] et [6] apparaissent rapidement transmettre un tout autre genre d’information que les quatre premiers. Ceux-ci correspondent, très sommairement, à la situation suivante. On sait (ou on décide) que dans le cas où les circonstances décrites par l’antécédent se réaliseront, alors les circonstances décrites par le conséquent se réaliseront aussi. En revanche, on ne sait pas actuellement ce qu’il en est de et c’est même la raison pour laquelle on dit « si alors ».
Il en va tout autrement pour l’exemple [5] où celui qui parle ne sait que trop que l’antécédent n’a pas été réalisé et dans l’exemple [6] où le locuteur s’attend si peu à ce que l’antécédent se vérifie qu’il est disposé à promettre n’importe quoi.
Les règles que nous allons poser s’inspireront du premier usage de « si… alors » (exemples [1] à [4]) et nullement des deux autres. C’est ainsi que nous poserons, pour éliminer le signe « », la règle d’élimination suivante :
Règle e
Le trait pointillé indique que les propositions numéros et ne sont pas nécessairement des hypothèses (au sens de la règle hyp), mais servent de prémisses à la règle e. Cette règle est aussi classiquement nommée règle du modus ponens.
Exemples
Dans les deux cas nous avons, en utilisant exclusivement les règles que nous nous sommes données, déduit une conclusion d’une classe d’hypothèses. Nous savons déjà que nous pouvons noter :
Ex. 1 est déduite de la classe d’hypothèses { , , }
Ex. 2 est déduite de la classe d’hypothèses { , }
Il sera commode de noter les mêmes faits sous la forme abrégée suivante :
Ex. 1 , ,
Ex. 2 ,
Examinons maintenant la façon d’introduire un signe et pour cela reprenons l’exemple [1]. Si quelqu’un cherche à établir la proposition conditionnelle « si le nombre n est divisible par 6, alors il est pair », il pourra procéder approximativement de la manière suivante :
Introduisant alors l’hypothèse faite et la conclusion obtenue \emph{dans une même proposition}, il dira : « Si le nombre n est divisible par 6, alors il est pair ».
Nous allons, quant à nous, accepter ce genre de procédure et poser, pour introduire un signe , la règle suivante :
\textbf{Règle i}
Le trait vertical de gauche indique que la règle est utilisable au cours d’une déduction quelconque. Le second trait vertical découle de l’application de la règle hyp, puisque pour introduire un « », il faut partir d’une hypothèse. Les petits points doivent être pensés comme indiquant les références. Mais, contrairement à ce qu’il se passait dans l’exemple, les références ne peuvent ici se faire qu’aux règles déjà posées ou à celles que nous poserons explicitement plus loin. Il faut enfin noter que la justification de la règle j ne fait pas mention seulement du point de départ (ligne n) et du point d’arrivée (ligne m), mais à toute la sous-déduction qui va de n à m. D’où la notation : n-m.
Remarque
On appelle sous-déduction d’une déduction, toute suite de propositions accompagnées d’un trait vertical à droite d’un autre. |
Exemples
[1]
Remarque
Considérons la proposition de la ligne 3. Nos écritures nous rendent attentifs à ce que est placée sous deux hypothèses~ : l’hypothèse (ligne 1) et l’hypothèse (ligne 2). En revanche, la même proposition , atome de la proposition moléculaire de la ligne 4, ne dépend plus que de l’hypothèse de la ligne 1. Nous constatons ainsi qu’un des effets de la règle i est de nous libérer d’une hypothèse. |
On peut alors se demander s’il ne serait pas possible, dans certains cas, de se libérer de toute hypothèse. Voyons, pour cela, l’exemple suivant.
[2]
Remarques
1. Le trait de déduction qui est tout à gauche n’est marqué d’aucune petite barre horizontale. Donc la proposition 5 ne dépend d’aucune hypothèse. Il est vrai que, pour l’établir, nous avons dû recourir à des sous-déductions qui, elles, usaient d’hypothèses. Mais peu importe : la proposition 5 ne dépend directement d’aucune hypothèse, elle est déduite de la classe d’hypothèses vide. Nous écrirons : soit soit plus simplement et nous dirons, de toute proposition déductible de la classe d’hypothèses vide, qu’elle est un théorème logique. Sa déduction porte alors le nom de démonstration. 2. Le premier trait vertical est indispensable~ : il indique que l’on effectue une déduction à partir de la classe d’hypothèses vide. On pourrait donc écrire aussi~ :
|
[3]
[4]
Pour trouver une démonstration de ce théorème, qui est déjà un peu compliqué, il suffit de procéder méthodiquement.
1. Comme tout théorème, il ne dépend d’aucune hypothèse, d’où le fait que le trait vertical numéro 0 n’a aucune barre horizontale.
2. Le théorème est de la forme , où a la valeur et il nous faudra introduire ce premier signe . Pour cela, la règle i indique qu’il faut poser en hypothèse, en l’accompagnant d’un trait vertical (numéro 1).
3. a la valeur , expression qui est encore de la forme si on donne à la valeur . Il nous faudra donc introduire ce second signeet poser, pour cela, en hypothèse, en l’accompagnant d’un trait vertical (numéro 2).
4. Enfin Q’ a la valeur p m. Il ne reste plus qu’à nous mettre en situation pour introduire ce troisième signe « ». Pour cela on pose
p en hypothèse en l’accompagnant du trait vertical numéro 3.
5. Notre problème est maintenant d’utiliser les règles (et plus spécialement
6. la règle d’élimination) pour obtenir la proposition m (ligne 8). 6. Il suffit maintenant d’appliquer trois fois de suite la règle j pour reconstruire le théorème de proche en proche.
Remarques
1. II serait aussi possible d’analyser la proposition à démontrer sous forme d’arbre. On obtiendrait :
2. Le lecteur aura intérêt à examiner attentivement cet exemple, qui est paradigmatique.
Exemple : 4. On remarquera que, si une proposition contient plusieurs signes , l’un d’entre eux est « principal ». Dans le cas où la proposition est un théorème, il est lié au signe . Exemple :
où a la valeur et la valeur . |